La justice a tranché : les enregistrements clandestins sont recevables pour prouver un harcèlement au travail
La Cour de cassation confirme qu’un enregistrement, même obtenu clandestinement, peut être produit s’il est indispensable à l’exercice du droit à la preuve du harcèlement moral allégué
La Cour de cassation confirme qu’un enregistrement, même obtenu clandestinement, peut être produit s’il est indispensable à l’exercice du droit à la preuve du harcèlement moral allégué.
En cas de harcèlement moral subi par un employé, tous les moyens sont bons pour le concerné pour le prouver. Ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet.
La Cour de cassation veut le faire savoir : la déloyauté d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, a-t-elle rappelé dans un arrêt du 10 juillet, rappelant celui du 22 décembre 2023. L’affaire remonte à juin 2015, lorsqu’une salariée secrétaire comptable est licenciée. Elle soutient avoir subi du harcèlement moral et un licenciement abusif. Elle saisit la juridiction prud’homale en octobre de la même année, demandant le paiement de dommages et intérêts.
Pressions et menaces
Pour soutenir ses requêtes, elle a présenté plusieurs pièces, dont une retranscription d’un enregistrement d’un entretien avec son employeur, réalisée à l’insu du concerné. Le tout visait à démontrer qu’elle avait subi des pressions pour signer une rupture conventionnelle, ainsi que des menaces de licenciement en cas de refus de sa part.
Dans sa décision du 29 juin 2022, la Cour d’appel de Montpellier avait écarté cette pièce des débats, estimant qu’elle était «contraire au principe de la loyauté dans l’administration de la preuve» et que l’atteinte portée aux principes protégés en l’espèce n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi.
La salariée ne s’est pas arrêtée là, formant un pourvoi en cassation. La Cour casse alors ce raisonnement et confirme qu’un enregistrement, même obtenu clandestinement, peut être produit s’il est indispensable à l’exercice du droit à la preuve du harcèlement moral allégué et si l’atteinte au respect de la vie personnelle de l’employeur est strictement proportionnée au but poursuivi.
Nouvelles perspectives probatoires
«L’employeur et ses représentants doivent avoir conscience qu’un tel comportement expose à des sanctions lourdes, tant sur le plan civil que pénal, prévient Me Lise Le Borgne, cofondatrice du cabinet Kantor-Le Borgne. De tels agissements sont pourtant répandus pour un motif juridique connu : il est bien plus difficile de contester en justice une rupture conventionnelle qu’un licenciement . Beaucoup d’entreprises imaginent donc diminuer leur risque contentieux en privilégiant une rupture prétendument négociée alors qu’elle est en réalité imposée. »
Aussi, selon l’avocate, cet arrêt «ouvre de nouvelles perspectives probatoires en vue de la manifestation de la vérité» car, elle le sait, «dans ce type d’affaires le salarié est d’autant plus en position de faiblesse que les pressions et menaces subies sont quasi systématiquement effectuées oralement».
Publié le 6 août 2024, par M.K